mardi 1 juin 2010

Le mariage menacé ?
Enjeux et perspectives.

(aux AFC de Rochefort le 21 Mai 2010)

Le mariage est-il menacé ? Drôle de question, pourrait-on dire ! Bien sûr qu’il est menacé ! Toutes les statistiques convergent pour le montrer. Il faut donc le défendre comme un trésor menacé… C’est ainsi que depuis deux siècles, sur ce sujet comme sur d’autres, de vastes secteurs du catholicisme français se muent en forteresse assiégée au risque, je le crains, d’y perdre son âme.

Or ce n’est pas si simple, à mon avis. Pour y voir plus clair, je propose dans un premier temps de faire un peu d’histoire immédiate pour tâcher de comprendre ce qui nous est arrivé depuis cinquante ans. Nous pourrons alors redécouvrir les fondements de ce grand trésor qu’est le mariage. Et nous pourrons dessiner l’attitude spirituelle à adopter pour, non pas défendre anxieusement mais annoncer joyeusement, la perpétuelle nouveauté du mariage, don permanent de Dieu à l’humanité dont il est follement amoureux.

I Mais que nous est-il donc arrivé ?

Nostalgie, nostalgie tu nous guettes ! Non seulement les sexagénaires et plus, mais aussi les plus jeunes, par ouï-dire, se souviennent de la France des années cinquante du siècle dernier. Pas d’union maritale hors mariage ou si peu ! Pas de divorce ou si peu ! Donc pas de familles recomposées, ou si peu, avec leur aller et retour des enfants d’un foyer à l’autre ! Pas de naissance hors mariage, ou si peu. Pas d’homosexualité affichée, ou si peu. Pas de revendication de mariage homosexuel, pas du tout ! Pas de revendication d’homoparentalité, pas du tout ! Période idyllique pourrait-on penser !

Régnait en maître le mariage, union stable entre un homme et une femme publiquement déclarée et célébrée, seul modèle social pour vivre l’affectivité et la sexualité humaines. Les exceptions se cantonnaient quelque part entre l’originalité, au mieux, la honte et l’infamie, le plus souvent.

Vingt ans plus tard, dans les années soixante-dix, le tableau était bouleversé. Explosaient unions libres, divorces, naissances hors mariage, homosexualité affichée et revendiquée, surgis des années soixante, de sa mythique année 68 et de sa fière liberté sexuelle, conquise comme on avait conquis la Bastille, cent quatre-vingts ans plus tôt.

Mais que nous était-il donc arrivé ? Les habitants d’Europe Occidentale et d’Amérique du Nord étaient-ils donc subitement devenus vicieux, jouisseurs, irresponsables par on ne sait quel sortilège diabolique subit ? Poser la question en ces termes c’est déjà prendre quelque recul avec le mythe simpliste de la décadence qu’impliquerait la réponse positive à une telle question…

Non ça n’est pas si simple ! Il faut y regarder de plus près. Et d’abord exorciser de nous, de notre tête et de notre cœur, les réactions apparemment affectives, en fait mégalomaniaques, qui nous poussent à aimer ou à ne pas aimer notre époque. Quand je suis arrivé comme curé à Talence, où je suis actuellement, un prêtre à la retraite qui m’y attendait m’a écrit : « Ce sera pour toi la plus belle paroisse du monde puisque c’est la paroisse que le Seigneur te donne ». Eh bien il en est de même pour la période que nous vivons. La période que nous vivons est la plus belle période de l’histoire puisque c’est celle que le Seigneur, amoureusement, nous donne à vivre. D’ailleurs nous n’en avons pas d’autres, ce qui montre qu’il est mégalomaniaque de vouloir aimer ou ne pas aimer ce que nous n’avons pas à choisir ! Nous avons à découvrir dans notre époque des merveilles qu’on ne pouvait pas découvrir avant et qu’on ne pourra plus jamais découvrir après, même s’il est vrai aussi qu’on y vit des épreuves qu’on ne vivait pas avant et qu’on ne vivra plus après ! C’est l’amour de notre époque, donc, comme don de Dieu, qui nous pousse à essayer de la comprendre et d’en comprendre la genèse.

Déconditionnement ! C’est le mot qui peut résumer la mutation des mœurs, et donc du mariage, que nous avons vécue dans les années soixante et soixante-dix. Recherche tâtonnante de vertébralisation (je m’expliquerai sur ce terme !) c’est ce que nous vivons depuis. Nous passons, en effet, me semble-t-il, de l’état de crustacés dont la structure rigide est extérieure à l’état de vertébrés dont la structure à la fois rigide et souple est intérieure, même si pour un temps beaucoup passent par l’état de mollusque, sans structure rigide !

Souvenons-nous ! Avant et au début des Trente Glorieuses (1945-1975) nous étions dans une société de subsistance et de proximité de contrainte. La sexualité humaine y était grave et sacrée car elle avait trois dimensions incontournables, sociale, reproductive et religieuse dont elle a été dépouillée pendant le dernier tiers du siècle dernier.

Sociale d’abord. Jusque tard dans le XXème siècle la plupart des entreprises étaient familiales, agricoles, commerciales ou artisanales, donc patrimoniales. Se marier c’était s’installer professionnellement et socialement. Les femmes travaillaient, trimaient même, mais n’avaient pas d’indépendance économique.

Or qui dit patrimoine dit héritage à transmettre. Et avant l’ère de la contraception illusoirement facile, la fin première du mariage, comme on disait alors, était la procréation. D’ailleurs, sans système de protection sociale généralisée, apparue juste avant la Seconde Guerre, la famille était la communauté de protection proximale unique, notamment quand les vieux jours arrivaient.

Enfin dans une société où l’innovation était lente, la tradition et ses valeurs étaient dominante. Se marier c’était communier avec les forces cosmiques sacrées qui s’imposaient à tous sans que personne n’ait barre sur elles, ce qui est la définition du sacré. Le mariage avait une évidente dimension religieuse et sacrée.

Que ce temps si proche chronologiquement nous semble si lointain ! Les personnes n’étaient ni plus vertueuses ni plus vicieuses qu’aujourd’hui. Mais on vivait dans des communautés de proximité de contrainte où tout le monde était sous le regard de tout le monde. Dans les villages ou quartiers de ville tout le monde connaissait tout le monde et savait tout sur tout le monde, parfois plus que la vérité. On s’aimait ou on se haïssait, parfois de génération en génération, mais enfin on se connaissait. La grammaire élémentaire de la vie était évidente.

En vingt ans, pendant les décennies soixante et soixante-dix, la sexualité humaine a été dépouillée de ce qui en faisait la gravité. Le travail salarié s’est généralisé, permettant aux femmes qui, encore une fois, ont toujours travaillé, d’avoir leur indépendance économique et donc de pouvoir rompre et recréer des liens familiaux. La solidarité économique s’est socialisée. La société de grande mobilité a produit l’anonymat de masse où on ne connaît plus son voisin mais où on choisit ses relations sur des critères affectifs. La tradition a fait place à l’innovation galopante marginalisant ceux qui ne savent pas courir assez vite dans leur tête, valorisant les jeunes et ringardisant les vieux. Dans ce contexte la religion est devenue matière à option, selon que ça me fait vibrer ou pas.

Quand on voit l’ampleur de la mutation, finalement ce qui est étonnant c’est qu’il y ait encore des gens qui se marient et qui soient religieux, notamment chrétiens. Mais quand ils se marient ou sont chrétiens, petit à petit ce n’est plus par convenance sociale mais par décision personnelle.

Encore une fois nous passons d’un état où les structures s’imposaient socialement de l’extérieur à un état où il faut trouver à l’intérieur de soi les raisons de faire ceci ou cela. Les crustacés se transforment en vertébrés.

Mais quelles sont donc les raisons de se marier ? Il faut maintenant en rendre compte.

II Des fins (institutionnelles) du mariage
aux biens (personnels) des époux.

L’Eglise a l’odorat fin. Rien n’est plus faux que de dire qu’elle est ringarde et dépassée. Depuis le Concile Vatican II, elle a réorienté son enseignement sur le mariage. Dans la Constitution Gaudium et Spes, puis dans l’Encyclique Humanae Vitae et dans l’Exhortation Apostolique Familiaris Consortio on tait, sans le renier, l’enseignement antérieur focalisé sur l’institution sociale du mariage et ses fins (procréation, remède à la concupiscence, aide mutuelle des époux) pour valoriser et enseigner l’amour conjugal et ses biens (union et procréation).

On passe de la théologie de l’œuvre (opus operis), de l’institution du mariage, à la théologie des acteurs, des époux (opus operantis).

Dans une société stable, pré moderne, l’institution va de soi et on en dessine la finalité sociale. Dans une société moderne le sujet surgit face voire contre ce qui jusque là en était le terrain nourricier, la société. Celle-ci est alors sommée d’être au service du bien des personnes. L’attention se tourne alors vers l’accomplissement et l’épanouissement des acteurs.

Dans les sociétés pré modernes on s’aime parce qu’on est mariés, ce qui ne relève pas du libre choix des personnes, ou si peu ! Dans les sociétés modernes on se marie parce qu’on s’aime. Révolution copernicienne !

Ce n’est pas que dans l’enseignement relatif au mariage qu’un tel changement de perspective s’opère. Dans la question, oh combien sensible pour nos amis traditionalistes, de la liberté religieuse, on passe de l’affirmation de la vérité sociale du christianisme, formalisée par la théorie de l’Etat catholique, à l’attention aux personnes dans leur cheminement vers la vérité : « La vérité ne s’impose que par la force de la vérité qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance » (DH 2)

Ce n’est pas une mince affaire que d’accompagner ce changement de perspective. Dans les diocèses, les paroisses, se met alors en place une préparation au mariage. Préparation immédiate où, reprenant les trois caractéristiques augustinienne du mariage, fidélité, fécondité, indissolubilité, les fiancés sont appelés à rédiger une déclaration d’intention les incitant à s’engager personnellement, librement dans ce qui autrefois leur était, plus ou moins consciemment, imposé par la société et sa culture dominante. Préparation distale par l’éducation affective et sexuelle que des organismes comme le CLER proposent aux adolescents et aux jeunes. Accompagnement après le mariage dans des mouvements comme les Equipes Notre-Dame…

On tâche de faire prendre conscience aux fidèles que, pour que l’amour humain soit plénier et à la hauteur de leur dignité, ils doivent en recevoir le don de Dieu même. On tâche de leur faire saisir que, en exprimant publiquement leur amour dans le don l’un à l’autre, total et définitif, couronné par le désir que leur soient donnés des enfants, ils sont conformés, configurés à Dieu même qui se donne radicalement, définitivement à l’humanité dans le Christ, époux de l’Eglise.

Petit à petit, non sans crises et sans difficultés certes, le mariage apparaît comme un engagement personnel, une attestation publique que l’homme n’est pas le jouet passif de pulsions anonymes et incontrôlables, mais le bénéficiaire d’un don qui lui fait découvrir ce qu’il est en le conformant à son propre créateur.

Depuis un quart de siècle que je suis prêtre, je puis attester une lente mais puissante évolution de la disposition d’esprit des fiancés que je prépare au mariage en collaboration avec des laïcs. Il y a un quart de siècle bien des fiancés étaient ambivalents dans leurs motivations. Ils se sentaient appelés à un geste que pourtant ils trouvaient ringard. Mais pourtant ils étaient fascinés par lui. Ils se sentaient l’objet d’une pression sociale et pourtant, au bout du compte ils y consentaient.

Aujourd’hui ils se présentent habités par une aventure intérieure mystérieuse, cherchant des mots, une grammaire pour en saisir le sens, l’accueillir, y consentir, l’amplifier. Oui ! on passe vraiment de la posture d’héritiers plus ou moins vindicatifs par rapport à leur héritage à la posture d’inventeurs d’un trésor, de découvreurs d’un mystère caché, de défricheurs d’une aventure fascinante…

Cette posture nouvelle nous permet d’accueillir sans complaisance certes, mais surtout sans lamentation, les multiples pauvretés, misères, blessures provoquées par notre société sans repère issue de la formidable mutation de la fin du siècle dernier. Oui ! nos fiancés sont, pour la plupart, ignares sur le pan catéchétique. Oui ! ils n’en sont pas, pour beaucoup à la découverte de la vie affective et sexuelle. Oui ! ils sont marqués par la précarité familiale et professionnelle dans laquelle se débat notre société. Oui ! la constance, la persévérance dans l’engagement religieux leur paraît soupçonnable tant ils ont peur du phénomène de secte, de clan, d’enfermement. Mais ils ont soif et demandent un accueil vrai et profond. Ils tâtonnent mais beaucoup cherchent… Ils demandent que leur liberté soit respectée mais ils devinent et expérimentent qu’elle ne peut se déployer que dans un engagement radical respectant l’unicité de chacun…

Sur un autre plan, c’est avec eux que nous apprenons cette posture d’inventeurs, de découvreurs, de défricheurs qui nous permet, non sans tâtonnements, de chercher comment, aussi, vivre avec justesse et vérité, une vie chrétienne alors qu’on est confronté à l’échec conjugal, aux blessures affectives et sexuelles. Là aussi c’est un long et douloureux chemin que de passer d’une posture vindicative d’un ‘droit à communier’ quand on est divorcé-remarié, à la posture d’un accueil inventif de soi-même et de l’amour inconditionnel de Dieu alors qu’on est en situation de ne pas pouvoir être le signe public de Sa fidélité sans faille.

Nous sommes donc, tous, pasteurs et peuple, à devoir découvrir à nouveaux frais, les merveilles de l’amour humain dans un monde confus et blessant pour les personnes. Cela nous demande une attitude spirituelle d’humilité et d’audace.

III L’audace de l’humilité

Oui notre époque est fascinante pour qui en comprend les enjeux. Je me laisse aller à penser, parfois, qu’il y aurait un parallèle entre ce qui est advenu au Peuple de la Première Alliance et ce qui advient à l’Eglise.

Pour le Peuple d’Israël, après que la foi dans le Seigneur ait été (non certes sans défaillances multiples) le ciment avoué et publiquement proclamé du royaume de David et de Salomon puis des royaumes d’Israël et de Juda, le Seigneur a reconduit son Peuple au désert lors de l’exil à Babylone. Mais c’était pour lui parler au cœur et lui faire redécouvrir son amour comme autrefois dans la phase d’errance dans le désert du Sinaï, préparant ainsi la venue du Seigneur Jésus, Parole définitive de son Amour.

Ainsi peut-être aujourd’hui, sur les décombres de la chrétienté, l’Eglise est-elle invitée, dans un exil de sa gloire sociale passée, à redécouvrir les fondamentaux de sa vocation, pour préparer la seconde venue en gloire du Christ, comme Il le voudra, quand Il le voudra…

Cela demande humilité et audace pour redécouvrir la joie merveilleuse d’être choisis, sans mérite aucun, pour être les prophètes du Seigneur.

L’humilité

Que nous soyons contraints à la modestie dans la promotion du mariage, c’est évident ! Jamais nous ne parviendrons, ou du moins pas avant longtemps, à ce que le mariage soit, à nouveau, la voie sociale hégémonique de l’union de l’homme et de la femme qu’elle était il y a cinquante ans. Bien sûr le Seigneur est bien libre de faire les miracles qu’il veut. Mais ce serait vraiment un miracle !

Nous ne pouvons, au mieux, qu’accueillir de notre mieux ceux dont l’amour est tel et la proximité avec l’Eglise telle, qu’ils demandent que cet amour soit ‘comme consacré’ dans le mariage chrétien. Mais des pans entiers de la société, hier touchés par l’Eglise, sont aujourd’hui hors de portée de sa voix…

Mais la modestie ce n’est pas encore l’humilité… L’humilité c’est de consentir, et non pas se résigner, à la petitesse, la fragilité, la précarité de ce que l’on est parce qu’on sait que le Seigneur passe de préférence par notre petitesse et nos difficultés… Car pour accueillir des chercheurs tâtonnants de Dieu, il faut soi-même être chercheur tâtonnant de Dieu…

Une anecdote, ici pour me faire comprendre. J’étais étudiant, quelque part au début des années 1970, et nous étions une quinzaine réunis autour de Marcel Légaut, philosophe chrétien décédé depuis en 1990 à l’âge de 90 ans. L’orateur parlait de l’insondable, insaisissable mystère de Dieu. Un de mes compagnons, vivement agacé par ce discours, interrompt l’orateur et s’écrie : « Mais enfin depuis deux mille ans on devrait savoir qui est Dieu ! » La réponse de Marcel Légaut a été cinglante et m’a marqué à vie : « Monsieur, pour parler ainsi il faut que vous soyez athée ! »

Eh bien ce qui est vrai de Dieu Lui-même est vrai de tout ce qui en est l’épiphanie, la manifestation, comme, par exemple, la prière et l’amour humain. Un jour je prêchais une retraite à des religieuses très âgées. Quand j’ai dit que nous étions tous des débutants dans la prière, une des religieuses, octogénaire ou nonagénaire, s’est écriée : « Ca s’est bien vrai ! ». Je m’étais fait comprendre. J’espère que je me fais comprendre ce soir…

Nous sommes tous des débutants en amour humain, quelles que soient le nombre de nos années de mariage ou de célibat consacré. Rencontrer un homme et une femme qui nous parlent de leur amour, si blessé ou si bancal soit-il, c’est assister à la création du monde, au surgissement permanent du Seigneur.

Bien sûr nous savons bien que le mariage est le seul cadre qui respecte pleinement et permet de déployer pleinement l’amour humain dans toute sa dignité. Mais c’est là une science de connaissance doctrinale qui laisse entiers le chantier et la tâche de la conversion spirituelle permanente de tout amour humain à ce que dit de lui la doctrine du mariage…

L’audace

C’est pourquoi seule cette humilité est audacieuse. Si je suis un chercheur tâtonnant en amour humain, je peux accueillir, écouter, former, exhorter à la conversion tout amour humain… Mais si je crois savoir ce qu’est l’amour humain, je serai inéluctablement péremptoire, blessant avec ceux qui me parleront de leur amour humain.

Bien sûr la conversion spirituelle d’un amour humain en l’amour du Christ qui se donne radicalement et sans retour à l’Eglise, son épouse, cette conversion a vocation à s’inscrire dans l’institution sacramentelle du mariage. Mais la conversion institutionnelle, socialement visible, ne garantit rien quant à la conversion spirituelle. En d’autres termes, si on s’aime on est appelé à se marier. Mais se marier ne garantit pas qu’on s’aime !

Le mariage est donc l’horizon permanent de tout le monde, qu’on soit marié ou pas. Sur cette base on peut et on doit accueillir tout le monde, personnes déjà mariées, personnes pouvant se marier et personnes en situation telle qu’elles ne peuvent pas se marier…

Prophètes de Dieu apprenant lui-même à aimer

Dans cette ‘docte ignorance’ de ce qu’est Dieu et ses épiphanies, comme par exemple la prière ou l’amour humain, nous sommes les prophètes du Dieu de Jésus-Christ qui, s’incarnant, apprend lui-même à aimer. C’est l’enseignement prodigieux de l’Epître aux Hébreux : « Tout Fils qu’il était [le Christ] appris par ses souffrances l’obéissance et, conduit jusqu’à son propre accomplissement, il devint pour tous ceux qui lui obéissent cause du salut éternel » (Hb 5 8-9)

Ces versets, attribués à saint Paul, affirment que le Christ a appris quelque chose. Ils ont plongé dans la perplexité bien des théologiens qui professaient que le Christ, étant Dieu, était omniscient, c’est-à-dire qu’Il savait tout et n’avait donc rien à apprendre ! Tentation permanente du docétisme, c'est-à-dire de cette hérésie qui dit que Dieu en Christ a fait mine d’être un homme, a paru être un homme (doceo, docere : je parais) mais n’a pas vraiment été un homme, avec tout ce que cela implique non seulement comme capacité mais aussi comme nécessité d’apprendre.

Saint Thomas d’Aquin s’en sort en distinguant le savoir de science que le Christ avait parfaitement et le savoir d’expérience qu’il a dû acquérir comme tout le monde. Prenons un exemple. Si un ami proche de nous est en phase terminale de sa vie, nous savons de science qu’il va mourir. Pourtant quand il meurt nous sommes bouleversés et nous pleurons. Nous avons alors à apprendre de savoir d’expérience qu’il est mort. Nous avons à apprendre à vivre sans lui et à développer un autre type de présence à lui.

Eh bien Jésus a appris de savoir d’expérience ce que l’Epître aux Hébreux appelle ‘l’obéissance’. Et, comme Lui, nous en sommes à devoir apprendre de savoir d’expérience ce qu’est le mariage, quand bien même nous savons de science doctrinale ce qu’est ce mariage !

Conclusion

Formidable mutation donc. Et l’exil de l’Eglise de sa gloire sociale passée nous permet cette mutation qui, à mes yeux, est une croissance spirituelle. Oui ! je crois vraiment que le Seigneur ramène son Eglise au désert pour lui faire apprendre de science d’expérience cette figure essentielle de ce qu’Il est, le mariage.

Nous sommes donc bien loin donc du mariage trésor menacé à défendre ou noble cause à promouvoir. Nous sommes à pied d’œuvre pour découvrir tous, chacun à sa place, ce qu’est le mariage.

Arnaud de VAUJUAS
Rochefort, le 21 Mai 2010

1 commentaire:

  1. Puisque vous écrivez cher oncle sachez que vous êtes lu.

    Par Aimery, notamment

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