samedi 5 février 2011

Les blessés de la sexualité
dans le mystère de l’Eglise.

(aux frères carmes du Broussey le 12 Octobre 2010)

« Les prostituées et les publicains arrivent avant vous dans le Royaume des cieux » (Mt 21 31). C’est à la lumière de cette parole audacieuse de Jésus qu’il nous faut réfléchir à la place dans le mystère de l’Eglise de ceux qui, de manière particulière, sont blessés dans leur aptitude affective et sexuelle. Je veux parler des personnes ayant un vécu prégnant d’homosexualité ou de pédophilie.

Nous ne sommes ni des psychothérapeutes ni des gardiens de l'ordre moral. Nous nous situons dans une perspective pastorale. Notre ‘job’, si j’ose dire, c’est d’aider les personnes dans leur combat spirituel, combat spirituel dans le quel nous sommes saisis nous-mêmes. Nous sommes donc et face à elles pour les introduire et les soutenir dans l’exigente miséricorde du Seigneur ; et avec elles dans le combat spirituel que nous menons nous aussi. C'est dire qu'il faut nous départir d'emblée de toute attitude de pitié. Selon nous tout combat spirituel est fécond dans la communion des saints, dans le mystère de l'Église. Dans le combat spirituel que tous ont à mener, Dieu demande à chacun rien de moins que tout et il donne à chacun la douce grâce pour y arriver...

I Situer des personnes dans un devenir

a) Des comportements auxquels on ne peut laisser les personnes se réduire.

C’est volontairement que je parle avec une périphrase lourde des ‘personnes ayant un vécu prégnant’ que ce soit d’homosexualité ou de pédophilie. Je veux par là me démarquer de la qualification que trop souvent, surtout en matière d’homosexualité, on attribut aux personnes elles-mêmes. Ce n’est que par un raccourci de langage, dont il ne faudrait pas que nous soyons dupes, que l’on peut parler de personnes homosexuelles. Au sens strict du terme il n’y a que des actes, ou à la rigueur un vécu subjectif, qui peuvent être qualifiés d’homosexuels.

Je rejoins, disant cela, Jean-Claude GUILLEBAUD, dans son livre "La tyrannie du Plaisir" Seuil 1998 pages 331-335 qu'il nous faut citer ici:

"L'homosexualité fonderait-elle, à elle seule, une identité ? Question absurde pour un ancien Grec. Comme on le sait, la pensée grecque ne condamnait pas les pratiques homosexuelles. En revanche, l'absolutisation d'une telle préférence lui était totalement étrangère. A Athènes, il pouvait y avoir des pratiques librement acceptées, il n'existait pas d'homosexualité en tant que telle, c'est-à-dire définitive, exclusive, estampillée.

" "Les Grecs, écrit Foucault, n'opposaient pas, comme deux choix exclusifs, comme deux types de comportements radicalement diffférents, l'amour de son propre sexe et celui de l'autre. Les lignes de partage ne suivaient pas une telle frontière. Ce qui opposait un homme tempérant et maître de lui-même à celui qui s'adonnait aux plaisirs était, du point de vue de la morale, beaucoup plus important que ce qui distinguait entre elles les catégories de plaisirs auxquelles on pouvait se consacrer le plus volontiers. Avoir des moeurs relâchées, c'était ne savoir résister ni aux femmes ni aux garçons, sans que ceci soit plus grave que cela. [...] On peut parler de leur "bisexualité" en pensant au libre choix qu'ils se donnaient entre les deux sexes, mais cette possibilité n'était pas pour eux référée à une structure double, ambivalente et "bisexuelle" du désir. A leurs yeux, ce qui faisait qu'on pouvait désirer un homme ou une femme, c'était tout uniment l'appétit que la nature avait implanté dans le coeur de l'homme pour ceux qui sont "beaux" quel que soit leur sexe"

"Les revendications identitaires d'aujourd'hui seraient, pour un Athénien, littéralement incompréhensibles. Revendique-t-on sans y être contraint un statut qui, une fois obtenu, vous enfermera dans l'étroitesse d'un véritable état civil ? Réclame-t-on le « droit » de se voir désigné et identifié à travers ses seules inclinations amoureuses ? Un homme se résume-t-il à sa sexualité ? Une telle catégorisation paraîtrait non seulement absurde à un contemporain de Plutarque mais choquante quand elle est réclamée par les intéressés eux-mêmes. Ne revient-elle pas à céder de son plein gré aux injonctions du censeur ? N'invite-t-elle pas chacun à placer lui-même un triangle rose sur sa poitrine ? Les Grecs n'étaient pas les seuls à écarter de telles éventualités. Au Moyen Age, il eût paru inacceptable à un voluptueux pratiquant, à l'occasion, la bougrerie d'être catalogué une fois pour toutes comme bougre. Plus tard, un Louis XIII tenté un moment par le sémillant Cinq-Mars (de son vrai nom Henri d'Effiat), un prince de Conti, un Gaston d'Orléans ou un prince de Guéménée, tous sensibles à la séduction des jeunes gens, n'eussent pas accepté d'être définis comme des sodomites appartenant à une communauté du même nom.

"On devrait garder en mémoire un détail chronologique : c'est précisément au XIXe siècle, époque d'apothéose pour le puritanisme bourgeois et le scientisme le plus normatif, que fut "inventée" l'homosexualité en tant que catégorie. Ce n'est pas par hasard. Foucault, encore lui, avait bien repéré cette concomitance et souligné les périls qu'elle annonçait. « La sodomie - celle des anciens droits, civil ou canonique - était un type d'actes interdits ; leur auteur n'en était que le sujet juridique. L'homosexuel du XIXe est devenu un personnage : un passé, une histoire et une enfance, un caractère, une forme de vie ; une morphologie aussi, avec une anatomie indiscrète et peut-être une physiologie mystérieuse. Rien de ce qu'il est au total n'échappe à sa sexualité. [...] Le sodomite était un relaps, l'homosexuel est maintenant une espèce »

"Ce n'est donc pas seulement la culture du ghetto, qu'il faut mettre en cause, c'est cette aliénante catégorisation du désir, cet empressement à énoncer une définition qu'on opposera ensuite aux oppressions supposées en provenance du dehors. Ce fétichisme identitaire, il est vrai, demeure beaucoup plus vif dans le monde anglo-saxon qu'en Europe. Une récente péripétie scientifique a permis de le vérifier. Au début des années 90, la tendance culturaliste et différentialiste de la communauté gaie américaine a conduit une bonne partie de ses membres à accueillir plutôt favorablement l'hypothèse passablement farfelue (et démentie depuis) d'un « gène homosexuel » - le Xq28 -, hypothèse avancée par le docteur Dean Hammer, de l'Institut national du cancer, à Washington.

"Pour ce chercheur, l'homosexualité trouverait son origine dans une particularité génétique présente dès la naissance. Dans son esprit, la découverte de ce marquage biologique était providentielle puisqu'elle venait oindre les gais d'une imparable légitimité, fondée à la fois sur la science et sur un statut de victime. Si les homosexuels sont génétiquement différents, répétait-on outre-Atlantique, cela veut dire qu'ils ne sont pas responsables, ni eux ni leurs parents. On ne saurait donc leur reprocher la nature de leurs désirs, pas plus qu'on ne peut obliger quiconque à répondre de la couleur de sa peau. Le prétendu gène homosexuel permettait aux gais américains d'accéder scientifiquement au « privilège minoritaire », fort gratifiant en Amérique. Cela rendait d'autant plus légitime, ajoutait-on, leur volonté d'afficher leur différence et d'en faire un motif de fierté.

"En France, au contraire, les hypothèses de Dean Hammer ont aussitôt paru effrayantes à la plupart des homosexuels. Il y avait de quoi. Dans leur grande majorité, ces derniers ont très mal réagi à une théorie génétique qu'ils ont assimilée aux délires eugéniques des nazis. Une telle réaction montre qu'en France le communautarisme continue de se heurter à un fond anthropologique et culturel, imprégné d'universalisme. A la différence des Anglo-Saxons, nous n'obéissons pas d'instinct à un réflexe de classification catégorielle, pas plus que nous ne cédons à une inclination spontanée pour la différence. Mais cela ne veut pas dire que nous soyons à l'abri d'une telle dérive. La tentation communautariste, comme on le sait, progresse dans nos pays latins, que ce soit à propos de l'homosexualité, en matière de religion, d'ethnie, de langue, etc.

"Ces discussions, décidément, ne sont pas anecdotiques...

[...}

"Il n'est pas inutile, parfois, de reprendre les choses à leur début. En fin de compte, à quelle intention fondatrice obéissait la libéralisation des moeurs ? Au souci d'élargir au maximum le champ des libertés individuelles. A supposer que cela fût souhaitable, restait à se demander de quelle manière cette liberté serait la mieux assurée pour ce qui concerne l'homosexualité. Par la différence revendiquée ou par l'indifférence reconquise ? Par le regroupement tribal ou la fantaisie de chacun. On reconnaîtra aux adversaires du communautarisme le mérite d'avoir placé la question sur le bon terrain.

"Risquons une hypothèse : c'est parce qu'elle refusait toute idée de maîtrise personnelle des désirs, parce qu'elle s'interdisait de voir dans cet empire sur soi-même, comme les Grecs, le seul vrai critère transcendant les préférences, que la modernité en est venue à catégoriser ces mêmes préférences. Il ne restait plus que cela pour classifier les hommes ; une prétendue nature - homo, hétéro, bi, etc. - substituée aux classifications de jadis, qui avaient partie liée avec la volonté. Depuis une trentaine d'années, pour la vulgate permissive, l'effusion sans limites, l'assouvissement éperdu constituaient la seule valeur positive. Celui qui jouissait sans entrave était moderne; celui qui se défiait du « tyran Éros » ou demeurait fidèle à quelques convictions était archaïque. Dorénavant, on ne serait plus répertorié comme chaste ou libertin, maître de soi ou soumis à ses pulsions, volontariste ou jouisseur, ascète ou débauché, etc. On ne pouvait l'être que par les particularités régionales de son désir.

"Il y avait là un tour de passe-passe sans doute moins libérateur qu'on ne l'imaginait. En échange de cette licence nouvelle, il était tacitement admis en effet que nul n'échapperait plus à la spécificité de son plaisir. Il était même convenu que ce n'était pas souhaitable. Quiconque aurait cédé à une inclination amoureuse - homosexuelle ou autre - se trouverait sommé de se reconnaître en elle et d'en accepter le statut. Une sommation sans guère d'échappatoire. Qu'il la rejette, et il lui serait reproché d'être honteux de soi-même ou de manquer de courage ; qu'il s'y rallie, et la communauté des semblables serait aussitôt là pour le défendre... et l'absorber. Terrible alternative, quand on y réfléchit bien. Et pourtant. Combien de variations littéraires ne furent-elles pas publiées sur ce thème obsessionnel de l'acceptation ? Combien de professions de foi auront brodé sur l'idée d'une « victoire remportée sur la honte » ou d'une « vérité » qu'on a eu le courage de « regarder en face ». J'ai enfin pu m'accepter comme homosexuel, etc.

"On ne s'est pas beaucoup demandé si la liberté y gagnait réellement au change. On n'a pas vu qu'un émiettement aussi tranché - et public - des désirs risquait de devenir tout simplement totalitaire...

b) Les acquis mal compris des sciences humaines

C’est la mauvaises compréhension des sciences humaines, psychologie et sociologie, dans notre culture qui, pourrait-on dire, fait refluer la phénoménologie sur l’ontologie ou plutôt qui tend à rendre caduque un point de vue ontologique. Que les sciences humaines montrent la grande prégnance des comportements homosexuels habituels sur la subjectivité des personnes c’est légitime et pertinent dans l’ordre de connaissance que développent ces sciences humaines. Car il est vrai que les pulsions homosexuelles sont parfois si intenses, si exclusives, si archaïquement ancrées dans le développement psychologique des personnes que l’on peut parler, mais d’un point de vue psychologique seulement, de structure homosexuelle. Et il est vrai que, sociologiquement, ce vécu subjectif tend à ce que certaines personnes (pas toutes) ayant un vécu prégnant d’homosexualité se regroupent en milieu homogène (pouvant tourner au ghetto, mais pas toujours), ce qui renforce leur sentiment d’appartenir à une essence, à une nature sexuelle particulière.

Mais le vécu subjectif d’une personne ne peut pas, à lui seul, la définir. Nul ne s’appartient au point que seul le regard qu’il a sur lui-même serait pertinent pour le qualifier. C’est un décentrement de soi-même élémentaire que de consentir à dépendre, pour la conscience qu’on a de soi-même, d’autrui, de la culture qui nous façonne, de la société à laquelle on appartient et ultimement de Dieu son créateur. Que ce décentrement de soi-même soit parfois vécu comme une blessure narcissique aigüe c’est vrai, particulièrement en matière de sexualité. Mais cela ne rend pas caduque pour autant l’exigence élémentaire de ne pas faire de soi-même la seule et unique source de la compréhension qu’on a de soi-même.

Car si intense que soit le vécu des homosexuels, ils n’en restent pas moins sexués, hommes ou femmes. Et il n’en reste pas moins vrai que leur sexualité est la trace, en leur chair, de l’ouverture à l’autre, dont l’autre du sexe opposé est le symbole et le ministre naturel. De cela nulle subjectivité ne peut décider que cela n’est pas, sauf à outrepasser les limites de la raison.

Pour accompagner et avoir accompagné un assez grand nombre d’homosexuels je peux me risquer à dire qu’à intensité de vécu homosexuel subjectif comparable, certains comprennent cela et d’autres non. Or ceux qui font le plus de bruit socialement, surtout lors des premières années de l’épidémie du SIDA, ce sont ceux qui sont le plus revendicatifs quant à leur droit à se définir eux-mêmes en fonction exclusivement de leurs affects subjectifs. Mais l’expérience élémentaire montrent qu’ils ne sont pas représentaitifs de tous ceux qui ont un vécu prégnant d’homosexualité.

Le « droit » à se définir seulement en fonction de son vécu subjectif a débouché logiquement sur le phénomène du transexualisme. Etre transexuel c’est revendiquer d’opter pour l’autre sexe si, subjectivement, on se sent y appartenir. Et c’est demander à la médecine, à la justice et aux services d’état civil d’optempérer.

Dire aux personnes marquées par un lourd vécu d’homosexualité qu’elles ne s’appartiennent pas exclusivement c’est une première libération à leur proposer. Certaines vivent cette invitation à l’ouverture avec reconnaissance, d’autres résistent parfois avec véhémence nous accusant d’homophobie. Nous sommes chargés de le leur dire, le plus délicatement possible certes. Mais nous ne sommes pas chargés de le leur faire croire !

c) Conduite à tenir pastorale

Les documents magistériels tels Persona Humana (Congrégation pour la Doctrine de la Foi 29 Décembre 1975), le Catéchisme de l’Eglise Catholique (§ 2357- § 2359), le Catéchisme des Evêques de France (§ 607), la Lettre aux évêques de la Congrégation pour la Doctrine de le Foi du 1er Octobre 1986 au sujet de la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles me semblent unamines sur trois points :

1) il s’agit d’une « matière grave » objectivement, c’est-à-dire blessant gravement l’aptitude affective et sexuelle des personnes quelle que soit leur culpabilité objective (c’est-à-dire l’imputation possible de ces actes à leur volonté libre) ou subjective (c’est-à-dire leur sentiment de culpabilité) ;

2) il arrive souvent que le consentement éclairé, (c’est-à-dire ou l’accord de la conscience avec la loi morale objective, ou la liberté d’agir, ou les deux) soit obéré de telle façon que la faute objectivement grave peut n’être qu’un péché véniel (CEC § 1862)

3) on ne peut pas inférer de cette fréquence de l’atténuation de la responsabilité pour généraliser et présumer, avant examen concret de chaque cas, notamment dans l’enseignement public de la morale, que les personnes s’adonnant à ces actes sont toutes irresponsables. C'est la responsabilité, c'est-à-dire ce qui est normal, qui doit être présumée. La charge de la preuve doit donc revenir à l'irresponsabilité et non à la responsabilité morale. Le danger d’atteindre la dignité des personnes en les présumant irresponsables peut l’emporter sur le danger de les culpabiliser à tort. Ceci dit le plus souvent la responsabilité est atténuée et non pas ou totalement entière (pardon pour le pléonasme !) ou totalement exténuée.

Dans la pratique les pasteurs et théologiens doivent promouvoir trois attitudes :

1) la nécessité de parler de ces difficultés, bien sûr sous le sceau du secret, à des conseillers habilités : confesseurs, conseillers spirituels, psychologues avertis si le retentissement psychologique est lourd . Cette parole aux confesseurs ou aux thérapeutes, à la rigueur à de rares amis avertis, n'a donc rien à voir avec l'outing public et fanfaron. En ce sens l’impératif du Concile de Trente de parler de tous les péchés mortels commis est sain anthropologiquement ;

2) le doute sur la responsabilité réelle, si la conscience est plus ou moins en désaccord avec l'enseignement de l'Église et/ou si sa liberté est obérée, peut rester sans que cela ne soit une excuse pour ne pas parler. On doit donc avouer en confession ses actes à matière grave même si on a des doutes sur l'accord de sa conscience et/ou sa liberté de les commettre (mais on doit aussi dire ces doutes sur ces points aux confesseurs) ; seul le Seigneur sonde les reins et les cœurs ; seul Il connaît la gravité réelle de nos péchés surtout en cette matière délicate ;

3) s’il y a « habitude », pour employer un langage traditionnel en morale, ou « complusivité » pour employer un langage psychologique, il faut déplacer la lutte morale de l’évitement de chaque acte, ce qui est généralement vain, à la libération de la liberté par l’ascèse, la prière, l’accompagnement spirituel, la psychothérapie si nécessaire.

II Fécondité de la souffrance et de la tentation pour l’Eglise

Etre lucide sur la gravité morale des blessures de la sexualité ne suffit pas. Encore faut-il accueillir pleinement nos frères affrontés à ces difficultés, loin de toute pitié ou marginalisation dans l’Eglise. Or la difficulté à tenir ensemble lucidité morale et accueil fraternel me semble venir de la difficulté à donner un sens fécond à la souffrance. En effet la tentation est une souffrance.

Cette question de la fécondité de la souffrance, longuement développée dans la Lettre Apostolique de Jean-Paul II du 11 Février 1984« Salvifici Doloris » a été occultée, ces dernières décennies, en réaction contre le dolorisme qui aurait prévalu à l'époque antérieure. Pour dire vite, car cette question de la fécondité de la souffrance dépasse le cadre de cette intervention, disons que le dolorisme considère la souffrance comme automatiquement féconde. La saine spiritualité de la souffrance féconde considère l’amour dans la souffrance comme seul fécond. La souffrance n’est alors considérée comme une occasion d’aimer. Mais c’est l’occasion qu’a vécue Jésus.

Toujours est-il que les souffrants, et parmi eux les personnes tentées dans leur équilibre sexuel, ont une fécondité possible pour l’Eglise et que leur responsabilité est grande de la déployer ou pas. Que cette fécondité soit aussi invisible aux yeux de la chair que la fécondité des contemplatifs renforce plutôt que dimininue cette fécondité.

Rien n’est inutile pour l’Eglise et il est urgent de redonner toute leur place à ceux qui, aux côtés de Jésus lui-même, sont tentés et luttent. Il est urgent de leur redonner cette fierté. Dieu, en Jésus tenté et en Jésus en Croix, est sur leur chemin, à leurs côtés dans la lutte. Et non pas seulement dans un toujours souhaitable bout du chemin, le jour où leurs diffiucltés exitentielles seraient vaincues.

Quant aux habitudes il faut les considérer comme jamais définitives et lutter contre elles comme je l’ai dit par la prière, l’ascèse, l’accompagnement spirituel et si nécessaire psychologique. Là aussi c’est la lutte qui est compagnonnage avec Jésus et non pas seulement quelque résultat prometteur. Ceci dit, ceux-ci, quand ils adviennent, sont bons à prendre comme toute consolation.

III La responsabilité sociale dans le cas de la pédophilie.

Un acte pédophile est un acte sexuel avec un enfant, c'est-à-dire imposé à cet enfant. Tout enfant, en effet, est incapable de donner son consentement éclairé à un tel acte. L'acte pédophile est donc équiparé à un viol tant sur le plan juridique que psychologique et moral.

Dans tous les pays, à ma connaissance, l'acte pédophile est un crime ou au moins un délit selon la gravité de l'outrage sexuel. Il est du devoir de tout citoyen de lutter contre les crimes.

Concrétement nous, pasteurs, pouvons avoir connaissance d'actes pédophiles par deux biais, le for interne ou le for externe.

a) au for interne

On appelle for interne le statut d'une confidence faite à un "confident nécessaire", parmi lesquels les ministres du culte. Ces confidences sont protégées par le secret professionnel. Nous pouvons recevoir des confidences relatives à des actes pédophiles soit par la victime de ces actes ou leur entourage proche comme les parents ou les camarades, soit par le coupable de ces actes.

Nous devons exhorter les victimes et leur entourage proche à dénoncer le crime (ou à ce niveau de notre connaissance des faits le crime seulement probable). Même si la justice des hommes n'a pas pour objet la thérapie des victimes, l'énoncé solennel du droit est de la plus haute importance pour la thérapie de ces victimes. Tout ce qui paraîtrait protection d'un criminel même seulement probable sous prétexte de son prestige ou de notre proximité institutionnelle avec lui serait désastreux pour la victime. Nous devons nous poser la question: 'Et s'il s'agissait d'un viol, et s'il s'agissait d'un homicide... comment agirais-je ?'.

De même nous devons, au for interne, exhorter le coupable qui se confierait à nous à se dénoncer surtout pour le bien du ou des victimes qui ont droit, je l'ai dit, pour se relever que le droit soit solennellement proclamé. Mais aussi les coupables pour se relever ont besoin que leur crime soit dit comme tel et socialement puni comme tel. Dans le sacrement de la Réconciliation nous pouvons, si nous le jugeons nécessaire, donner une absolution conditionnelle, sous réserve que le pécheur ait le ferme propos de se dénoncer.

b) au for externe

On appelle for externe le statut d'un acte connu hors de la confidence qu'en fait un des protagonistes. Au for externe nous sommes comme tout le monde! Nous devons dénoncer ou, si nous ne sommes pas sûrs, signaler les crimes connus de nous. Nous devons enseigner que la non-dénonciation de crime est un délit.

Conclusion

Belle, ce qui est appréhendable par la raison naturelle, bafouée par le péché qui n’est appréhendable que sous l’horizon du pardon révélé, la sexualité humaine peut être occasion d’action de grâce quelles que soient les circonstances. Dans la tentation apparaît la beauté redoublée du salut non seulement donné mais au don duquel on peut participer en étant associé au Sauveur.

Arnaud de VAUJUAS

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