vendredi 25 mai 2012


Avec Marie,
présentons le Christ au monde.

(au Sanctuaire de Talence le 13 Mai 2012)
Dimanche dernier nous avons médité sur la fécondité paradoxale de Marie, recevant son Fils mort dans ses bras. Nous avons vu comment Marie, et donc le Père Eternel avec elle, engendrent Jésus  pas seulement de sa conception à sa naissance mais tout au long de sa vie. Comme chacun de nous est fils et de son père et de sa mère tout au long de sa vie, Jésus est fils de son Père et de sa mère tout au long de sa vie… et de son éternité.
C’est pourquoi d’ailleurs en récitant le rosaire, nous proclamons à chaque « mystère », l’Annonciation, la salutation évangélique comme pour proclamer que cette Annonciation, et le Fiat, le oui, de Marie sont perpétuels tout au long de la vie de Jésus. Et notamment lors du cinquième mystère douloureux, la Mort de Jésus qu’illustrent les Piétas et, parmi elles Notre-Dame de Talence.
Or, et c’est ce que nous méditerons aujourd’hui, tout ce qui advient au Christ, advient au Monde. Car dit saint Jean dans le Prologue de son Evangile : « l’univers n’a existé que par Lui et rien n’a existé sans Lui » (Jn 1,3, Traduction de la ‘Bible des Peuples’). Saint Paul écrit dans sa Lettre aux Colossiens que le Christ est « pour toute créature le Premier-Né, car en Lui tout a été créé, dans les cieux et sur la terre, l’univers visible et invisible […] tout a été créé grâce à Lui et pour Lui ; Il était là avant tous et tout se tient en Lui » (Col 1,15-17, même traduction).
Paul résumera tout en disant en Romains 8 : « Le monde créé attend que les fils et filles de Dieu viennent au grand jour : c’est cela qui ne le laisse pas en repos. Car si la création actuellement n’a pas d’avenir, cela ne vient pas d’elle mais de celui qui lui a imposé ce destin. Il lui reste cependant une espérance : la création aussi cessera de travailler pour ce qui se défait, et recevra sa part de liberté et de gloire des enfants de Dieu. Nous voyons bien que toute la création gémit et souffre comme pour un enfantement. » (Rm 8 19-22, même traduction)
Il y a donc bien plus que Jésus en ce Jésus mort en attente de Résurrection qui gît entre les bras de Marie. Il y a « toute la création qui gémit dans les douleurs de l’enfantement. » Sous le regard amoureux de Marie qui, associé au regard du Père éternel, nous l’avons vu dimanche dernier, re-suscite, suscite à nouveau, la vie de Jésus, se trouve aussi toute la création actuelle en désir d’enfantement de la création nouvelle.
Et notre prière est appelée humblement certes mais avec audace à rejoindre ce regard ressuscitant cosmique de Marie. Nous sommes invités à rejoindre avec Marie le combat spirituel qui traverse la création.
Ce n’est que du sein de ce regard aimant et ressuscitant que nous pourrons trouver les mots, les attitudes, le dynamisme pour annoncer au monde qui nous entoure qu’il est appelé à la gloire du Christ.
Nous y serons aidés par l’enseignement récent de l’Eglise. Je ne cite ici que deux documents mais il y en aurait beaucoup d’autres.
La Constitution Pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican II proclame en son numéro 39 :  « Les valeurs de dignité, de communion fraternelle et de liberté, tous ces fruits de notre nature et de notre industrie, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père « un Royaume éternel et universel : Royaume de vérité et de vie, Royaume de sainteté et de grâce, Royaume de justice, d’amour et de paix [79] ». Mystérieusement, le Royaume est déjà présent sur cette terre ; il atteindra sa perfection quand le Seigneur reviendra. »
L’encyclique Spe Salvi de Benoit XVI du 30 Novembre 2007 proclame en son numéro 37: «  la souffrance fait […] partie de l'existence humaine. Elle découle, d'une part, de notre finitude et, de l'autre, de la somme de fautes qui, au cours de l'histoire, s'est accumulée et qui encore aujourd'hui grandit sans cesse. Il faut certainement faire tout ce qui est possible pour atténuer la souffrance […] mais l'éliminer complètement du monde n'est pas dans nos possibilités […]. Dieu seul pourrait le réaliser: seul un Dieu qui entre personnellement dans l'histoire en se faisant homme et qui y souffre. Nous savons que ce Dieu existe et donc que ce pouvoir qui « enlève le péché du monde » (Jn 1, 29) est présent dans le monde. Par la foi dans l'existence de ce pouvoir, l'espérance de la guérison du monde est apparue dans l'histoire. Mais il s'agit précisément d'espérance et non encore d'accomplissement; espérance qui nous donne le courage de nous mettre du côté du bien même là où cela semble sans espérance. »
Seul l’amplitude de ce regard qui associe 1° la Pâque du Seigneur Jésus,  2° nos petites Pâques quotidiennes, 3° la Pâque cosmique peut donner vraiment sens à notre existence. Car deux écueils nous guettent : d’une part l’intimisme spirituel (‘je n’ai qu’une âme qu’il faut sauver’) qui peut nous faire sombrer dans la mièvrerie sentimentale ; d’autre part les délires mégalomaniaques totalitaires qui, voulant sauver le monde en sacrifiant les personnes, ont défiguré le vingtième siècle.
Le regard amoureux et recréant de Marie sur son Fils rejoint chacun de nous dans son cœur. Mais ouvrant le cœur de chacun à la dimension du cœur de Jésus, il le fait consonner au mystère du monde entier. Alors de même que chacun en contemplant Jésus est invité à consentir à sa fragilité pour y découvrir la possibilité, la faculté d’y rencontrer le Dieu crucifié, de même notre monde ivre et inquiet à la fois de sa puissance technologique sera invité à consentir à sa fragilité, seul lieu de sa possible unité et de son accueil de Dieu.
Car le Concile Vatican II (encore lui) dit en Lumen Gentium 1,1 : «  L’Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se propose de mettre dans une plus vive lumière, pour ses fidèles et pour le monde entier, en se rattachant à l’enseignement des précédents Conciles, sa propre nature et sa mission universelle. À ce devoir qui est celui de l’Église, les conditions présentes ajoutent une nouvelle urgence : il faut que tous les hommes, désormais plus étroitement unis entre eux par les liens sociaux, techniques, culturels, réalisent également leur pleine unité dans le Christ. »
En ce temps de désenchantement idéologique, faisant suite à l’échec des idéologies mégalomaniaques du siècle dernier, il nous faut réentendre l’enseignement biblique sur la seigneurie cosmique du Christ et l’appel missionnaire de notre Eglise. Or nous ne le pourrons que si la contemplation du Crucifié dans les bras de sa mère ne nous fait pas compatir seulement à la souffrance de chacun mais nous incite à consonner au monde qui gémit dans les douleurs de l’enfantement.
Arnaud de VAUJUAS    
le 13 Mai 2012.

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